L’Europe vient de perdre deux figures emblématiques : Helmut Kohl et Simone Veil. L’émotion suscitée dans leurs pays respectifs à l’annonce de leur disparition est révélatrice de l’importance des combats qu’ils ont menés pour l’évolution de nos structures européennes et de nos sociétés.
La capacité à devenir un héros de l’Europe et du Monde appartient-elle pour autant au passé ? Nos pays verront-ils à nouveau l’émergence de figures reconnues de leur vivant comme faisant déjà partie de l’histoire ? Nos sociétés offrent-elles encore des champs d’expression et de progrès le permettant ?
Je discutais récemment avec un groupe de jeunes européens qui en doutaient. Ma conviction est tout autre. De rudes batailles sont encore à mener pour aligner les pays européens autour d’un fonctionnement plus souple et autour d’objectifs plus ambitieux, pour faire évoluer nos sociétés vers davantage de paix et d’équité mais il est un combat singulier dont l’importance et les enjeux surpassent les autres : celui de la sauvegarde écologique de notre planète, de la construction d’un monde réconciliant économie et écologie, écologie et humanités.
Les sociétés énergétiques sont au cœur de cet enjeu, à tel point qu’elles en sont à la fois un fer de lance potentiel (à cause de l’importance de l’impact qu’elles ont sur leur environnement) et un symbole. Elles deviennent un point d’attention et d’intérêt pour des peuples et des opinions publiques qui s’approprient progressivement les priorités qui s’imposent à nous pour la sauvegarde de notre planète.
J’observe au cours de mes missions, des niveaux de conscience et d’action très hétérogènes chez les énergéticiens. Ces derniers ne sont souvent que le reflet de la maturité de l’opinion publique de leur pays sur les questions environnementales ; ils se posent plus rarement en éclaireurs.
Les énergéticiens se distinguent d’abord par leur niveau de conscience : un nombre encore trop important reste au niveau du déni : déni de la nécessité d’agir, déni de l’urgence dans laquelle nous sommes, déni de l’impact écologique du nucléaire (ce qui ne veut pas dire à ce stade qu’il faille l’éradiquer en 5 ou 10 ans !), déni d’une baisse de la rentabilité des énergies fossiles. Un contingent important d’énergéticiens a conscience des nécessités mais reste tétanisé par l’ampleur des chantiers et le sentiment de ne savoir ni où aller ni comment s’y rendre. Enfin, en Suisse, en Allemagne, en Norvège et d’autres pays encore, des énergéticiens sont des promoteurs de progrès environnementaux et témoignent d’une conscience des enjeux mais aussi de leur rôle.
Ayant pris pleinement conscience de leur impact environnemental, les énergéticiens se différencient alors à un autre niveau : celui de leur stratégie. Il faut entrevoir la possibilité de tirer parti, sur le plan économique, d’une orientation plus protectrice de l’environnement pour l’inscrire comme un axe stratégique fort. La (ré)conciliation de l’économie et de l’écologie peut être catalysée par la réglementation, par la croyance dans le renforcement inéluctable des positions concurrentielles pour la distribution ou la fourniture d’une l’énergie plus verte, par le développement de dynamiques collectives autour des énergies vertes ou par une vision dépassant le simple horizon court terme. De grands énergéticiens comme ENEL et Engie communiquent sur une telle stratégie mais les exemples les plus marquants sont à chercher parmi les énergéticiens de taille moyenne d’Europe du Centre et du Nord.
En combinant les différents points de vue que m’offrent mes clients, j’ai la conviction qu’une approche environnementale ne sera pas suffisante à un énergéticien pour se distinguer dans le futur mais qu’une absence de conscience et d’orientation claire et volontariste vers la construction d’un monde énergétique nouveau est un handicap majeur, si ce n’est insurmontable, pour survivre.
De très grands énergéticiens ont déjà aujourd’hui de quoi angoisser leurs actionnaires les plus éclairés !
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