ENEL, E.ON, Engie, Bristish Gas, Fortum, Total : 6 modèles à surveiller

Parmi les grands énergéticiens européens, quelques-uns se distinguent par des modes actions nouveaux et plus volontaristes. J’en ai choisi 6, ayant fait des choix différents et pris des routes en apparence divergentes. Leurs options stratégiques sont à surveiller de près pour comprendre et imaginer l’avenir de l’énergie en Europe.

Tous ces énergéticiens mettent l’innovation au centre de leurs préoccupations car ils souhaitent apporter ruptures, différenciation et valeur à leurs clients. Digitalisation et décarbonisation sont des axes partagés par tous. Leurs clients cibles englobent les villes et les collectivités territoriales qu’ils font apparaître comme une préoccupation désormais principale.

ENEL

La création d’ENEL X en 2017 est un mouvement unique montrant la volonté d’ENEL de rapidement modifier son positionnement. ENEL X est une société à part entière délivrant des solutions, sur le mode « énergie vendue comme un service », aux quatre grandes cibles que sont les clients résidentiels, l’industrie, les villes et la mobilité.

En créant une société dédiée, ENEL s’affranchit des difficultés d’une transformation interne, du management coordonné et cohérent d’activités très différentes en termes de culture, de mode de vente, de prise de décision.

ENEL X ne fera pas pour autant l’économie des difficultés d’intégration d’acquisitions potentielles (EnerNOC, eMotorwerks, Demand Energy) mais il représente déjà, quelques mois après sa création un fer de lance à suivre.

Il sera intéressant de suivre l’impact de ce modèle choisi par ENEL sur la création d’une culture nouvelle, appropriée aux enjeux avec une adaptation des modes d’action, de vente et de décision.

E.ON

Comme ENEL X, E.ON se centre principalement sur les solutions clients mais fait le choix d’une transformation interne.

E.ON s’est organisé de manière « agressive » pour développer et porter les innovations. Elles se heurtent quelquefois aux difficultés classiques, notamment pour être « transférer » aux équipes opérationnelles. Il y a néanmoins des réalisations notables comme le SolarCloud.

Une transformation interne conduit, si elle est réussie, à une évolution normalement plus durable mais elle est plus lente et donne naissance à court terme à une innovation plus « bridée » tenant compte souvent des impacts sur les activités et offres existantes.

Il sera riche d’enseignements de comparer, dans les années à venir, les résultats d’E.ON et ceux d’ENEL X.

Dans le cas d’E.ON, l’intérêt stratégique d’un recentrage sur les réseaux et les solutions clients et la manière de conduire la transformation interne seront à suivre.

Engie

Contrairement à ENEL X et E.ON, Engie reste un acteur global, fournisseur et producteur d’énergie. Cela devrait lui donner une légitimité supérieure auprès des collectivités locales et de l’industrie.

Engie a fait le choix préalable d’orientations politiques et stratégiques volontaristes, claires, largement communiquées, et se positionne comme le leader de la transition énergétique et des énergies vertes et comme un partenaire privilégié de ses clients.

Engie a très rapidement décliné ces orientations sur son portefeuille d’activités et d’actifs, largement remanié depuis 2 ans. Engie entame également une transformation interne.

Contrairement aux autres sociétés mentionnées dans ce post, Engie a une position de leader régional ou mondial dans de nombreuses activités : électricité, gaz, services énergétiques, réseaux de chaleur et traitement de l’eau et des déchets via sa participation dans le groupe Suez. Ce portefeuille d’activités est un avantage important pour développer des solutions locales et accompagner les villes. Mais il sera nécessaire pour Engie de développer sa capacité à agir localement : cet enjeu est d’ailleurs clairement identifié par le groupe.

La pertinence des stratégies business, la distance que ces stratégies prendront avec la culture de certaines branches du groupe, la manière dont la transformation interne sera menée, le développement de la capacité à agir localement (notamment au niveau des villes) et à être perçu comme un acteur local, sont autant de centres d’attention et d’intérêt.

Bristish Gas

British Gas déploie depuis quelques années une stratégie innovante vis-à-vis de ses clients résidentiels, basée sur deux fondamentaux : une offre de service très orientée travaux et maintenance et une offre de Smart Home : Hive.

British Gas a peut-être une approche moins globale que les trois sociétés précédentes mais la pertinence de l’offre énergétique faite aux particuliers est toujours une question d’actualité.

La performance des offres résidentielles de British Gas a donc un intérêt tout particulier pour éclairer la voie de nombreux énergéticiens.

Fortum

Fortum est un énergéticien qui, ces derniers mois, a attiré les regards sur ses activités de production d’électricité, notamment avec le rachat d’Uniper à E.ON. Fortum est devenu à cette occasion un des premiers producteurs européens. La production d’électricité est désormais sa principale activité.

Mais Fortum est aussi un fournisseur d’énergie et un producteur, distributeur, fournisseur de chaleur.

Très innovant, il a fait de la digitalisation un des piliers de sa transformation. Avec sa forte implication dans les réseaux de chaleur, dans la production d’énergie, dans la mobilité électrique et dans le traitement des déchets il se positionne comme un interlocuteur qui compte auprès des collectivités territoriales et des villes.

Sa réussite dans ce domaine et la voie qu’il trace en matière de digitalisation seront à suivre tout particulièrement dans les mois qui viennent.

Total

Je termine enfin par Total, leader du secteur pétrolier, qui, en 2016, a décidé de se diversifier et de devenir, en France au moins, le 2èmefournisseur de gaz et d’électricité.

Total explore une voie peu fréquentée : la création d’un énergéticien électricité et gaz en partant de presque rien, avec des moyens importants qui ont permis une suite impressionnante d’acquisitions : Lampiris (2016), Greenflex (2017), EREN RE (2017), Direct Energie (2018) ont suivi BHC Energy acquis en 2014.

Il sera particulièrement utile de voir comment l’intégration des différentes acquisitions sera menée, comment une culture, une offre cohérente et une démarche de vente nouvelle pourront émerger de ce démarrage tonitruant.

 

Les 6 exemples que j’ai pris ne sont pas les seuls à observer : des énergéticiens plus petits très innovants auront certainement un rôle plus local à jouer et seront des sources d’inspiration à e pas négliger. Mais je suis certain que les écosystèmes énergétiques vont se structurer autour de quelques « noyaux », quelques plateformes qui auront réussi à s’imposer. Et je ne serai pas surpris que certains de ces six énergéticiens se distinguent encore dans un futur proche.

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