La conception des systèmes énergétiques des Smart Cities : une fusée à deux étages

Il n’est pas si éloigné le temps où chaque composante du système énergétique d’une grande ville était conçu et développé par les spécialistes qui en avaient la charge. Ce monde était simple ; c’est peut-être la principale raison des difficultés rencontrées pour le faire changer.

J’ai déjà évoqué dans ce blog les liens qui se tissaient progressivement entre les différents réseaux (électricité, chaleur, gaz, eau), entre les différents niveaux (production, distribution, consommation), les mutualisations d’infrastructures qui avaient du sens (réseaux telecom, stockage), les échanges naissants entre auto-producteurs, les nouvelles logiques de valorisation des flux énergétiques (au niveau des modulations de consommation par exemple). Tous ces exemples montrent bien combien il est aujourd’hui décalé et désuet de concevoir les systèmes énergétiques comme hier, tant chaque composante est dépendante des autres.

Le monde de l’énergie n’est pas le seul à évoluer vers des systèmes de plus en plus complexes au sein desquelles la performance ne peut être optimisée sans approche globale : le monde des transports est aussi un exemple flagrant.

Aujourd’hui une logique de conception des systèmes énergétiques en deux étapes doit s’imposer :

  • La première étape consiste à définir l’architecture globale du système énergétique d’une ville. Cette architecture est d’abord définie comme une cible à atteindre. Elle englobe tous les sous-systèmes connus et à venir et propose une vision GLOBALE de la production, de la distribution et de la consommation d’énergie au sein de la ville.L’architecture globale prend en compte les besoins d’optimisation et d’efficience énergétique ainsi que les conséquences de la transition énergétique. Elle doit donc être revue régulièrement afin de ne pas (re)construire un système figé qu’il faudra à nouveau faire évoluer dans la douleur dans quelques décennies. Tous les 3 ou 5 ans, il est donc important de faire évoluer cette architecture en examinant l’impact des nouveautés et des évolutions technologiques ainsi que des nouvelles conditions de marché.Une fois la cible établie, il est essentiel de définir, étape par étape, le chemin pour y parvenir à partir de l’état actuel du système énergétique. A chaque étape ainsi définie, il est essentiel d’examiner les conditions de partage de la valeur créée, les équilibres économiques des entités régulées et en concurrence, les leviers de financement.

    Une fois le cadre général défini, une fois que chaque acteur peut se situer dans la transition envisagée, il est aisé de fournir à chaque élément du système les contraintes auxquels il doit désormais répondre ainsi que la description des liens qui l’unissent aux autres éléments du système.

  • La deuxième étape consiste à définir précisément les sous-systèmes constituant le système global. Cette définition fait appel aux compétences traditionnelles des différents acteurs mais elle repose désormais sur les données d’entrée définies lors de la première étape.

Nourrir bien distinctement ces deux étapes et les processus qui correspondent permet d’atteindre un niveau de performance inaccessible dans le cas contraire. Cela évite aussi une obsolescence rapide de certains investissements ou des redondances entre systèmes de production.

Ni les manufacturiers, ni les bureaux d’études, organisés depuis longtemps par spécialités, par type d’énergie, ne sont propices à sécréter des architectes globaux. Ces profils intégratifs sont rares, capables de raisonner simultanément différents types d’énergie en mêlant technologies, finances, marketing, jeux d’acteurs et psychologie des consommateurs. Dans de nombreux cas, il faudra donc avancer de manière expérimentale, à tâtons. Mais, de mon point de vue, il vaudra mieux une fusée à deux étages imparfaites qu’une fusée traditionnelle à un étage, bien rodée.

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