Il y a quelques années, les fournisseurs d’énergie jouissaient parfois d’une image de proximité et de professionnalisme qui les « protégeait » lors de l’ouverture du marché, notamment aux petits consommateurs particuliers.
Il me semble, à travers les différentes remontées terrains auxquelles j’ai eu accès, que cette image s’estompe ; comme si les particuliers considéraient désormais l’énergie comme une commodité réellement comparable au téléphone ou à l’accès internet.
Cette évolution, observable dans beaucoup de pays, traduit à la fois un désintérêt vis à vis de l’énergie et une banalisation de l’électron.
Dans ce contexte, quelles stratégies s’offrent aux fournisseurs d’énergie ? Comment peuvent-ils se positionner, soit pour gagner des parts de marché, pour les nouveaux entrants, soit pour limiter les pertes de parts de marché, pour les fournisseurs historiques ?
Il y a bien sûr l’option « low cost », consistant à se positionner avec un prix le plus bas possible ou au moins inférieur au prix offert par le fournisseur historique. La marge de manœuvre dont disposent les fournisseurs pour une telle stratégie est assez réduite : les écarts de prix sur les marchés restent réduits : aucune comparaison avec les tarifs observés sur le marché des telecoms. Selon les pays, entre 10% et 25% des clients font du prix un critère direct de choix d’un fournisseur (je parle de critère direct pour exclure de ce pourcentage les consommateurs qui prennent le prix comme alibi pour s’éloigner d’un fournisseur qui les a déçus mais ne cherchent pas particulièrement à réduire leur facture). Cette stratégie permet de capter à grands frais des parts de marché faiblement rémunératrices.
Se différencier suppose de donner de la valeur à l’électron aux yeux d’un consommateur particulier, donc de capter son attention sur un sujet qui rend entre 70% et 80% des consommateurs indifférents.
Deux voies principales peuvent être explorées pour créer cette valeur :
- Assortir cet électron de services. Services liés à la gestion de l’abonnement, accompagnant le consommateur dans son mouvement d’ubérisation (quitte à perdre du chiffre d’affaire à court terme) ou le guidant dans ses économies d’énergie.
- Différencier ces électrons par leur impact environnemental et donc valoriser des processus de production, de distribution et pourquoi pas de stockage plus respectueux de l’environnement. Des énergéticiens suisses ou scandinaves ont bâti depuis plus de 10 ans de telles stratégies qui se révèlent payantes.
Sur ce marché plus que sur tout autre, le plus difficile n’est pas de construire une stratégie mais bien de l’implémenter avec succès. Le premier obstacle qui se présente devant le fournisseur cherchant à se différencier est de débanaliser l’énergie, de rendre l’énergie digne d’intérêt plus souvent qu’une fois tous les 15 à 20 ans, à l’achat d’une nouvelle chaudière. Il s’agit de questionner les particuliers dans leur rapport à l’énergie. Il ne suffit pas de communiquer et de leur parler d’énergie ; toutes les techniques sont nécessaires, individuelles mais surtout collectives.
Il faut ensuite modeler le rapport des consommateurs à l’environnement. Il y a une résonnance entre la considération d’un pays pour l’environnement et la considération portée par chaque citoyen de ce pays. La vision nationale ou territoriale sur le sujet influence dans le temps les citoyens et, à l’inverse, les citoyens influencent la vision nationale ou territoriale. On comprend aisément que de tels changements ne peuvent réussir que sur des périodes longues. Mais reconnaissons que le mouvement est amorcé.
Peut-être que les contraintes économiques données aux énergéticiens ne leur permettent pas d’avoir la patience d’attendre les résultats de telles stratégies…et les obligent à opter pour une réduction de leurs marges. Mais ont-ils vraiment le choix ? L’enjeu du fournisseur d’énergie, dans un travail sur la stratégie B2C, n’est-il de trouver, d’inventer le chemin qui lui permet de maintenir ses marges tout en nourrissant une évolution inéluctable ?
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